Au IXe siècle avant notre ère, c'est par la fusion des
différentes races des Hassayas, des Ourartou et des Armens sur la terre de Naïri que
l'Arménie naquit. Ainsi un état se constitua qui devint rapidement puissant. L'Arménie
à cette époque déjà, se distinguait par un niveau de culture très élevé.
Parallèlement à l'agriculture et à l'élevage, les métiers se développaient et se
répandaient. La création du calendrier, l'astronomie sont aussi la preuve de cette
science et de cette civilisation fort avancée.
La musique avait une large part à la formation culturelle d'Ourartou. Nous possédons à
ce sujet le témoignage muet de statuettes, de miniatures antiques, d'objets d'art
sculptés ou peints qui représentent des musiciens. Elle occupait une place
prépondérante également dans la vie sociale du peuple. Les chansons reflétaient les
aspects réels et les exigences de la vie quotidienne, notamment le travail agricole. Les
chants les plus connus sont les "Horovels", chants de labour, et les
pastourelles.
D'autres genres se développèrent et vinrent s'ajouter aux premiers. Devenue religieuse,
militaire et profane, la musique présidait à tous les événements de la vie publique et
privée : mariages, funérailles, cérémonies, montée au combat, chants épiques et
historiques,défilés triomphaux, fêtes nationales, jeux, banquets et divertissements.
Mais c'est surtout sous le règne de Tigrane II le Grand (95-55 av.JC) que la civilisation
arménienne atteint son apogée. Le commerce avec l'Orient et l'Occident contribua
largement à l'épanouissement culturel du pays. Sous l'influence byzantine, des progrès
remarquables furent enregistrés en architecture, en sculpture, en théâtre et en
musique.
Le théâtre vit naître l'art des GOUSSANS
(bardes). Ces derniers étaient liés à l'origine aux cérémonies religieuses païennes,
et en particulier à la résurrection des dieux auxquelles on rattaches des légendes
comme celle d'Ara le bel, de Mourané, mère des des Arméniens et de son fils Guissané,
duquel dérive le mot goussan (à partir du XVII ème siècle, les Goussans sont appelés
Ashoughs, de l'arabe ashik qui signifie amoureux). Il y a plus de 2000 ans, ces
musiciens-chanteurs créèrent leur propre école. leur art s'imposa comme l'élément
premier du futur théâtre professionnel arménien.
Les Goussans, les vibassans (acteurs-chanteurs), les tsaynarkous (pleureuses
professionnelles) participaient largement, avec leurs chants funèbres, religieux,
guerriers, épiques, lyriques, pastoraux et leurs danses aux fêtes religieuses et profanes sur
les places publiques, devant les temples et dans les palais. Les instruments couramment
utilisés étaient des instruments à corde comme le Davigh (ancêtre de la harpe), le
Oûd (ancêtre du luth) et le délicieux kamantcha et son archet. le Doudouk (flûte arménienne à grosse anche) et la zurna
représentent l'essentiel des instruments à vent, tandis que les percussions ont une
place importante avec notamment le dehol, petit tambour à deux peaux. La source de ces
fêtes remontent dans l'histoire à l'Arménie païenne. L'adoration d'Anahit, déesse de
la fécondité et de la fertilité, était très répandue. de nombreux temples lui
avaient été dédiés et de nombreuses fêtes lui étaient consacrées. A l'ère
chrétienne, Anahit fut rebaptisée "Mariam Astvadzadine" (mère de Dieu),
toutes les fêtes attachées à son nom réhabilitées en fêtes chrétiennes et ses
temples détruits.Sur leurs fondations furent élevés des églises dédiées à Marie.
La musique chrétienne arménienne atteint alors ses sommets
notamment au IV eme siècle. En 640, l'invasion arabe précipita le pays dans une période
de deux siècles de décadence. En 885, l'Arménie retrouva son indépendance et connut un
nouvel essor. L'art des goussans atteignit son sommet. Les principales mélodies de ces
trouvères et troubadours reflètent l'amour romantique et chevaleresque ou renferment un
sens politique, historique ou moral. La musique des goussans constitue une branche
professionnelle spéciale de la musique populaire. Le représentant le plus éminent des
goussans est sans conteste Sayat Nova au XVIII eme siècle.
La gravité des époques de l'histoire arménienne donna naissance aux ballades
narratives, aux chants plaintifs, satiriques et surtout aux "ANTOUNS", les
"Sans foyer". Ils traduisent la peine, la nostalgie des travailleurs arméniens
partis depuis le haut moyen âge vers des pays étrangers. Certains Antouns se présentent
sous la forme d'un long monologue dramatique. Ces chants d'émigrés sont des exemples
musicaux d'une rare beauté et d'une grande richesse, tel "Gantché Grounk"
(chante cigogne), qui dépeint les sentiments nostalgiques de l'individu privé de son
foyer et de son pays. Dans les créations musicales du peuple, la cigogne solitaire, loin
de son pays, séparée de la bande, est la figure la plus répandue.
Au XIX ème siècle :
En 1928, l'Arménie orientale est annexée par la Russie, et une nouvelle vie
économique, politique et culturelle fit son apparition dans cette phase de l'histoire.
Nouveaux genres, nouvel essor, nouvel horizon dans la musique savante. Ce fut l'avènement
de la musique d'ensemble instrumentale, de l'opéra. Le piano, le violon, la romance
firent leur apparition dans les milieux cultivés, et, dans la deuxième moitié du
siècle, la musique s'orienta sur les bases traditionnelles du folklore national en
assimilant simultanément l'achèvement de la musique classique occidentale et russe. De
"l'autre côté", quelques artistes arméniens de Constantinople contribuèrent
largement au développement culturel du Proche-Orient; mais la situation des populations
chrétiennes au sein de l'Empire Ottoman leur rendit les choses très difficiles.
Figure marquante de l'époque Tigrane TCHOUKHADJIAN (1837-1898),
précurseur de la musique professionnelle, traça les bases de la musique classique
arménienne, particulièrement symphonique et lyrique. Il exerça principalement son
activité dans les milieux arméniens de Constantinople. KARA-MOURZA
(1853-1902) fut le premier compositeur à harmoniser la musique populaire sur des
principes polyphoniques occidentaux. Makar EKMALIAN (1855-1905) fit des
études au conservatoire de St Petersbourg avec Rimski Korsakof. Alexandre
SPENDARIAN (1871-1928) fut l'une des figures marquantes du début du XXeme
siècle il se consacra à relever les fondements de la musique classique nationale et
travailla les techniques de composition. Armen TIGRANIAN (1879-1950)
écrivit le très populaire opéra "Anouche", inspiré d'un poème de H.
TOUMANIAN. Enfin comment ne pas citer Aram KATCHATOURIAN
à qui une page est consacrée ici.
La Hongrie eut Bela Bartok, l'Arménie eut le RP KOMITAS. qui mérite lui aussi une page particulière.
Et aujourd'hui ?
La créativité est toujours au rendez vous, Les clubs et les lieux musicaux sont nombreux à Erevan et le musiciens Arméniens de la diaspora se souviennent des harmonies des Goussans.
Un exemple : Djivan Gasparian qui perpétue la tradition du Doudouk tout en jouant avec les sons inouis qu'autorisent les instruments actuels.
Ici Freedom Chant
patriotique revisité (au combien) avec Michael Brook aux guitares.
Virgin Records Realworld cdrw73 7243 8 46230 2 9 enregistré
en 97
Charles Sarafian dernière mise à jour 27/11/199